Une lente Mastication / 2012

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Exploratrice du moléculaire, Myriam Gourfink réfléchit au mouvement qui précède les gestes, à la circulation de l’énergie et la grammaire qui la fonde. Le temps se diffracte et impose la scansion d’une nouvelle dimension physique et esthétique.

Et c’est cette sinuosité même qui ouvre à de nouveaux protocoles, à cette enquête presque scientifique du vivant, en tout cas dont l’exigence irrigue la scène de cette précision moléculaire. Ainsi de la nouvelle pièce de Myriam Gourfink, continuité d’un travail entamé il y a quinze ans, quelque chose revenu aux racines du mouvement mais plus encore, peut-être, à la chimie de ce mouvement. Depuis longtemps la chorégraphe a trouvé dans le yoga la grammaire de sa recherche : le souffle, la concentration, la sensation, qui serviront à l’écriture de la danse, mais aussi à sa mastication-digestion par les danseurs. Aussi ce qu’on perçoit, nous spectateurs, c’est ce même circuit nanométrique qui mène de l’énergie la plus vitale à la formation du geste. De là que ce n’est pas tant la lenteur qui caractérise les pièces de Myriam Gourfink que la diffraction même du temps, comme un saut quantique qui ouvrirait aux secrets de la matière. En quelque sorte, il se passe quelque chose d’énorme à l’intérieur des corps, et c’est cela, ce mouvement sismique qui soudain se montre dans les variations écrites de la danse, très écrites même, et comme rendues plus visibles encore par la musique de Kasper Tœplitz – non, pas la musique: la matière sonore, organique elle aussi, nappes flottantes qui augmentent à leur tour la folie exploratoire de la sensualité jusqu’à, donc, la saveur de la mastication. Après tout, de quoi relèverait l’intensité d’un art vivant, a fortiori d’un art «corporel», si ce n’était de cette attention démultipliée à l’épaisseur de nos sens, à la capacité surtout qu’ils ont de recevoir et traduire ce «quelque chose » qu’à toutes forces nous essayons de partager: une expérience de nous?

Tanguy Viel

EN

An explorer of the molecular, Myriam Gourfink considers the movement that precedes the gesture, the circulation of energy and the grammar behind it. Time is diffracted, and imposes the scansion of a new physical and aesthetic dimension.

In each of Myriam Gourfink’s creations it is bodies that convey perceptual forms and express them. But they are based on a script – even if it has to be reworked. These return journeys between perception and conception are foundational to what the choreographer seeks to reveal. The productions that she proposes are to be savored and require us to appreciate the continuously spicy flavors: “mastication, rumination, repetition, integration of a movement”. The raw and the cooked, this ingenious shortcut by Levi-Strauss to signify the partnership of nature/culture, here becomes choreographic ingredients. It is truly a delight to see that such a demanding approach invites spectators to appreciate choreographic nectar. On condition that they make themselves available. Spectators experience a certain perceptual state, that is clear. And they build upon it. In this way logic of meaning and logic of feeling are expressed, both dear to Gilles Deleuze. Myriam Gourfink is very attached to the cellular, vibratory and frequential dimensions of the body in motion. The time-spans, the textures, the use of space as expressed by Myriam Gourfink allow the audience the time to feel, become immersed, imagine, draw a line, fix a moment or a gesture.
In the West, savor and savoir-faire have the same etymology. In her case, Myriam Gourfink develops notions of taste by referring to “rasa” which designates aesthetical pleasure according to Indian tradition. In fact, in Sanskrit, this word literally means the juice, the sap, the flavor. To attain this rasa, Myriam Gourfink develops experimental protocols in her daily routine as material for scripting her scores. These protocols are then presented to interpreters who adopt and experience them, enabling the choreographer to combine her analysis with the dance content. For the dancers, rehearsing provides the opportunity to express nuances, deepen, explode, bring to crisis point or intensify. This to and fro between practice, scripting, experience, analysis and feeling intensifies throughout the creative process. For Myriam Gourfink, there is no dance production without consideration of perception.

Analysis by Geisha Fontaine – Shifts in perception / Mouvement N°62 january-march 2012.

CHORÉGRAPHIE
Myriam Gourfink

MUSIQUE
Kasper T.Toeplitz

DANSEUSES
Clément Aubert, Clémence Coconnier, Céline Debyser, Carole Garriga, Kevin Jean, Deborah Lary, Julie Salgues, Françoise Rognerud, Nina Santes, Véronique Weil.

TECHNIQUE
Zakaryya Cammoun

LUMIÈRES
Séverine Rième

DURÉE
60 min

Créée au Théâtre de Gennevilliers the 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9th of february 2012

Coproduction : Théâtre de Gennevilliers, centre dramatique national de création contemporaine, Association LOLDANSE.
Support : la Ménagerie de Verre in the frame of studiolab.
LOLDANSE is supported by le ministère de la culture et de la communication, DRAC Ile-de-France, au titre de l’aide à la compagnie.