Myriam Gourfink – Danseuse chorégraphe

Danseuse et chorégraphe née en 1968

Danseuse et chorégraphe de nombreuses pièces, Myriam Gourfink est engagée dans une recherche sur l’écriture du mouvement depuis 1996. Fondée sur les techniques respiratoires du yoga, sa danse repose sur une organisation rigoureuse des appuis et une conscience aigüe de l’espace. A la fois abstraite et sensible, elle se caractérise par sa lenteur et une implication des interprètes qui sont amenés à effectuer des choix à l’intérieur des partitions.

Pour certains projets, les partitions intègrent des dispositifs (informatisés) de perturbation et re-génération en temps réel de la composition pré-écrite : le programme gère l’ensemble de la partition et génère des millions de possibilités de déroulements. Les interprètes pilotent – via des systèmes de captation – les processus de modification de la partition chorégraphique, qu’ils lisent sur des écrans LCD. Le dispositif informatique est ainsi au cœur des relations d’espace et de temps. Il permet, au fur et à mesure de l’avancement de la pièce, la structuration de contextes inédits.

Figure de la recherche chorégraphique en France, reconnue comme telle et invitée par de nombreux festivals internationaux, Myriam Gourfink a été artiste en résidence à l’IRCAM, au Fresnoy/Studio national des arts contemporains, au Forum de Blanc-Mesnil, ainsi qu’à Micadanses à Paris. Elle a également dirigé de 2008 à 2013 le Programme de recherche et de composition chorégraphiques (PRCC) de la Fondation Royaumont, et programmé, en 2012, le cycle « Les danses augmentées » à la Gaîté Lyrique. Soutenue par le Centre Pompidou depuis 1999, son travail a fait l’objet d’un focus dont le thème était « Les formes du temps » lors de l’inauguration du Centre Pompidou x Westbund Museum Project à Shanghai en 2019. Elle est l’auteure, avec Yvane Chapuis et Julie Perrin, du livre Composer en danse – Un vocabulaire des opérations et des pratiques, publié par Les presses du réel en janvier 2020.

Démarche chorégraphique

Propos recueillis en 2022 par le chorégraphe Jean Christophe Bleton pour la SACD

Dans ton travail de chorégraphe, porteuse de projet, de quoi te sens-tu auteure ? Les termes d’écriture chorégraphique, de processus, d’écriture de plateau, d' »univers poétique », de motif, évoquent-ils quelque chose pour toi ? La réalisation de l’œuvre peut-elle être collaborative pour toi ? Et si oui, en quoi ?

Dans mon cas, ce dont je suis l’autrice, c’est la partition chorégraphique. Celle-ci peut être de différentes natures et pour certaines pièces différentes natures de partitions cohabitent.

La plupart du temps dans un premier temps je collecte des notions que je puise dans le dictionnaire de cinétographie Laban, ou dans des recherches récentes effectuées par des notateurs ou notatrices Laban, la cinétographie Laban est mon environnement chorégraphique.

Quand j’effectue la collecte de notions du mouvement je le fais en fonction de préoccupations, elles sont spécifiques à chaque projet et bien souvent elles concernent un champ de perception corporelle : par exemple pour Glissement d’infini celui des fascias, pour Structure Souffle celui de la respiration cellulaire… La collecte constitue un corpus intuitif qui vient soutenir mon découpage dramaturgique lors de l’écriture, mais rien n’est jamais fermé, le corpus se modifie au fur et à mesure de l’enquête sur la pièce.

Ce que j’écris à la table en amont des répétitions c’est généralement une évolution dramaturgique (qui interroge l’adresse au public, le temps, les durées des matériaux, l’espace, l’évolution des déplacements, l’évolution des rapports entre les interprètes, la relation à la musique, celle au dispositif ou celle au lieu, l’évolution des matières au sens de textures corporelles, etc.) Donc avant d’écrire la partition chorégraphique il y a ce moment où il m’est nécessaire d’être en dialogue avec des collaborat.eurs.rices, la plupart du temps avec le compositeur, mais aussi quand c’est nécessaire avec le créateur des lumières, celui des costumes, de la vidéo… Ensemble nous définissons la time line dramaturgique.

Parfois j’écris aussi juste quelques pistes (j’écris toujours en dialogue avec mon propre corps mon bureau est aménagé de façon à pouvoir faire des allers retours entre pratique et écriture, je n’écris jamais sans avoir travaillé mon corps en amont) et je fais des essais en studio avec un nombre restreint d’interprètes, pour sentir si ce que je vise via l’écriture est effectivement perceptible au niveau de l’adresse au public, et pour avoir aussi les retours des interprètes. À ce stade, les pistes écrites le sont toujours via des notions ouvertes, c’est possible en Laban de rester ouvert, et c’est pour cela que j’ai choisi cette écriture car il est aussi possible de déterminer le degré d’ouverture.

La plupart des partitions vont d’ailleurs orchestrer des notions qui restent ouvertes et vont permettre aux interprètes de choisir, dans les ambitus proposés, le geste définitif.

Lorsque la partition est déterminée c’est toujours parce qu’en amont il y a d’abord eu une partition ouverte qui en fonction des préférences des interprètes donne matière à une nouvelle partition qui, elle, est déterminée (c’est le cas de Glissement d’infini et de Arche). Pour ces pièces il y a donc deux partitions qui cohabitent, la première dont je suis l’autrice est celle de la macro-composition, qui donne naissance à la seconde (qui précise au niveau de la micro-composition les notions ouvertes de la première) et qui est le fruit d’une collaboration avec les interprètes.