L’Écarlate / 2001

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L’Écarlate (2001) est une création pour deux danseuses et deux musiciens. La partition chorégraphique est écrite pour « deux danseuses radicalement différentes » : Carole Garriga, danseuse contemporaine française, et Bogdana Roundouyeva, qui, formée à la danse classique à Kiev avant de s’intéresser à la danse contemporaine, a dansé des œuvres du répertoire comme Giselle ou Le Lac des cygnes au sein du Théâtre classique de Kiev. La partition chorégraphique comprend trois parties : la première et la dernière sont à durée variable ; la deuxième, d’une durée de vingt minutes, est un moment de « blanc » quant à la danse alors que la musique y est générée par la danse effectuée dans la première partie. La notatrice Laurence Marthouret note en direct ce que font les danseuses ; ces données sont transformées en son par l’appareillage informatique. Dans L’Ecarlate, « c’est vraiment le temps qui régit la matière ; et il est le moteur de toute la structure » : « Chacune des danseuses évolue selon son propre temps, défini à l’intérieur d’une fourchette de possibles, sans connexion temporelle avec l’autre. Les deux danseuses définissent deux réalités temporelles juxtaposées qui rendent unique chaque représentation.

Les danseuses ont mémorisé trois phrases (A, B, C) comprenant respectivement huit, sept et six moments, pour la première partie, et deux phrases (D, trois moments, et E, deux moments) pour la dernière partie. La chorégraphe choisit la phrase de départ de chaque interprète avant la représentation. Si l’une commence à danser la phrase A, elle s’arrête après le troisième moment de cette phrase pour « analyser son temps » à l’aide d’un chronomètre déposé à côté d’elle. Si elle a dansé pendant moins de vingt-deux minutes, elle continue la phrase A, dont la durée est la plus longue. Si elle a dansé pendant vingt-deux minutes, elle commence la phrase B (à son quatrième moment) dont la durée est moyenne. Si elle a dansé pendant plus de vingt-deux minutes, elle commence la phrase C (également à son quatrième moment) dont la durée est la plus courte. Au bout du sixième « moment », chaque danseuse recalcule son temps pour déterminer la phrase sur laquelle elle va continuer. Chacune « régule son temps en se servant des différentes phrases qui sont plus ou moins fournies en matière ». La troisième partie fonctionne sur le même principe, avec les phrases D et E.
La partition a été réalisée selon « une conception ‘floue’ du mouvement ». Elle repose : sur l’écriture de points de départs et de points d’arrivée (le chemin, direct, parcouru d’un point à un autre est laissé plus ou moins à la libre exécution de l’interprète) ; sur celle de moments (définis par un élément simple ou par un agrégat de plusieurs de ces éléments) ; et celle d’entités de mouvements (« suites d’indications permettant aux danseurs de se mouvoir de façon inédite dans l’espace, à l’encontre des schémas habituels »).

Dans la partition, on relève des indications portant sur les éléments mentionnés pour Too generate, mais elle porte aussi sur des surfaces (par exemple, la « surface a » : un bout d’oreille, la nuque du côté de cette oreille, le crâne occipital du même côté, ou la « surface b » : tranche du pouce du côté de l’index, tranche de l’index du côté du pouce). Elles sollicitent des parties du corps comme « la langue derrière les incisives du haut », la crête iliaque, le front, la troisième vertèbre, etc. La partition laisse différentes possibilités de choix aux interprètes. Dans le troisième moment de la phrase A par exemple, elles choisissent l’ordre de ces données : respiration + phrase de mouvements + pensées, et décident éventuellement de leur simultanéité. Elles peuvent aussi avoir à décider combien de fois faire une même proposition. Chacune est responsable de la durée de chaque moment, mais en restant dans une variation de durée qu’elle contrôle en des points précis, qui induit la suite de la danse. Là encore, chacune déroule sa danse indépendamment de l’autre, l’association visuelle de ce qui est dansé au même instant n’est pas prédéterminée.

Geisha Fontaine, Les danses du temps / Moment 7 / Myriam Gourfink : un temps élastique
Edition recherches Centre national de la danse

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I envisage each choreography as an opportunity to invite the performers to be present, aware of their postures and depths.
The composition consists of conceiving and researching flexible and organic structures that allow space, time, the subject matter and the music to be modified or generated in real time with the aim of making every performance of the same spectacle unique.
So the performers have to confront the unexpected element of a situation they have not yet experienced. They cannot act out a role; what is sought is their ability to understand what is happening and to respond to it instantly.

The score of l’écarlate proposes or imposes, and everything is conceived in a relative way, ranging from the very precise to the suggested. The processes used for writing down the actions all have the same aim: that of engendering the unforeseen and outlining, not determining, gestures, space and time. I am therefore playing with an ambiguous description of situations.
I can define a succession of situations that are either very close in time – when the gestures moving from one to another are precise – or distant in time – which multiplies the possible paths of movements connecting them.
I point out that different actions are strictly simultaneous or, on the other hand, I let it to be understood that they are almost simultaneous, that their order of succession is organic, organised as the dancer wishes. Or I even envisage the dancer’s trajectory as a path with situations following on and deduced from one other, but I do not describe what they are: the information on the score acts as an operator, a catalyst, transforming the subject matter. The pretext of the composition is change itself.

CHORÉGRAPHIE
Myriam Gourfink

MUSIQUE
composed by Kasper T. Toeplitz, played by Didier Casamitjana (percussions & power-book ), Kasper T. Toeplitz (bass & power-book)

PROGRAMME INFORMATIQUE
Frédéric Voisin (IRCAM)

ANALYSE DES MOUVEMENTS EN TEMPS RÉEL
Laurence Marthouret

DANSEUSES
Carole Garriga & Bogdana Roundouyeva

COSTUMES
Kova

LUMIÈRES
Silvère Sayag

Created at IRCAM in Paris (festival Agora), the 6, 7, 8th of june 2001

Production : loldanse, IRCAM & Centre Georges Pompidou, with the support of ADAMI, SACD & Artservice International.