FR / EN
FR
Instabilité entre son et silences, entre danse et instruments ou encore fantômes digitaux, rémanences de ce qui n’a pas eu lieu – et l’électronique « live » qui sculpte cette matière. Instruments démultipliés à l’excès ou au contraire réduits au souffle le plus ténu, distordus et parasités par la grouillante immobilité de la danseuse, corps à entendre autant que la musique se donne à voir. Une lenteur toujours en déséquilibre aux brusques accélérations, un statisme rempli d’électricité, un mur de son.
On aurait pu penser à un papillon qui tente désespérément de sortir de sa chrysalide. Ou à une petite sirène s’étirant pour se maintenir sur son rocher au milieu des flots déchaînés qui la submergent. Rien de tout cela. Simplement une jeune et belle danseuse, Deborah Lary, envoûtée par le déferlement des notes de la partition pour trompette, trombone et saxophone électroniquement traitée de Kasper Toeplitz. Une musique vrombissante et grandiose qui avait le pouvoir d’envelopper dans ses atours tant les spectateurs que la danseuse, laquelle évoluait quasiment sur place au milieu des musiciens. Car c’est bien la musique qui menait la danse, une musique monocorde, continue et, pourtant, très variée qui, par moments, évoquait un bruitage comparable à celui que l’on pourrait entendre dans un atelier mécanique d’une centaine de personnes, à d’autres, au ronronnement des moteurs d’un avion qui va décoller, à d’autres encore, au grondement d’une avalanche en train de dévaster tout sur son passage… Mais, contrairement à ce que l’on pourrait croire, un univers sonore pas désagréable du tout du fait de ses variations de teinte et de tonalité, de rythme, d’intensité, d’ampleur… Je n’irai pas, il est vrai, jusqu’à en faire ma musique de chevet mais il faut dire qu’elle avait, malgré ses déferlements de décibels, un côté lénifiant qui jaillissait comme de l’écume sur la danseuse : celle-ci trouvait en elle un écho, une vibration motrice qui lui imprimait une gestuelle grave et lente, empreinte de quiétude, de paix, de sérénité et de recueillement. C’est peut-être aussi ces mouvements calmes et continus, d’une pureté et d’une harmonie indicibles, qui plongeaient le spectateur dans une sorte d’hypnose, qui l’enjoignaient à s’immerger au tréfonds de son âme, ou à se laisser aller à la seule contemplation des artistes qui se livraient à lui en ne pensant à rien sinon aux prodiges de maîtrise corporelle que la danseuse déployait, se recroquevillant sur elle-même pour se re-développer imperceptiblement l’instant d’après dans une lenteur infinie entrecoupée de brusques accélérations, tordant parfois son torse et ses membres jusqu’au déséquilibre. Fascinant.
EN
CONCEPTION, COMPOSITION ET PROGRAMMATION, LIVE-ELECTRONICS
Kasper T. Toeplitz
CHOREGRAPHIE
Myriam Gourfink
DANSE ET DATA-NOISE
Deborah Lary
TROMPETTE, TROMBONE, SAXOPHONES
Sylvain Bardiau, Mathias Mahler, Frédéric Gastard
DURÉE
55 min
INOCULATE ? est une commande de la Muse en Circuit CNCM