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Préambule
« Évaporé » se veut un spectacle mêlant différentes expressions artistiques, différents médias, en un « tout », un ensemble protéiforme qui ne relève pas spécialement d’une discipline en particulier mais plutôt des interactions entre les arts en présence. Il ne s’agit donc pas d’un écrin pour la danse qui serait magnifiée tant par la musique que par les images vidéo, mais d’une sorte d’hybridation entre ces catégories, un entre-deux (un entre-trois, ici) de disciplines qui s’interpénètrent, se modifient l’une l’autre, ou poursuivent par moments leur logiques propres, sans tenir compte des voies suivies par les autres, ne partageant avec elles que le même lieu et temps, mais dans une énergie qui peut être différente, avant de revenir à des toujours possibles fusions.
Présentation de la partition chorégraphique
En s’appuyant sur des techniques de respiration issues du yoga, la partition invite les cinq interprètes (Amandine Bajou, Carole Garriga, Deborah Lary, Azusa Takeuchi et Véronique Weil) à la transformation : par agitation très interne, par tremblements très doux, par frottements ou échauffements, par tensions et relâchements, par contractions et dilatations. Ces différentes opérations œuvrent à l’intérieur des corps, elles agissent comme des modes de cuisson d’une recette alchimique qui transforment les émotions, permettent leur évaporation. Chaque opération donne au corps une nouvelle consistance. La partition alterne les états dilatés et condensés : ainsi les danseuses traversent tour à tour des espaces dont les partitions leur demandent d’être distantes les unes des autres, intérieurement absorbées dans leurs propres tracés de parcours ; ou au contraire elles traversent des espaces dont les partitions les invitent au rapprochement, leur indiquent de faire corps, de s’imbriquer, et intérieurement de s’ouvrir pour s’offrir mutuellement des espaces corporels accueillants et ergonomiques. Les partitions des derniers parcours les conduisent à être distantes physiquement mais proches intérieurement.
Considérations sur la musique, l’image et les interactions
Musique
La musique du spectacle « Evaporé » est une trame très douce mais paradoxalement construite d’un grouillement incessant bien que celui-ci soit quasiment imperceptible – agitations de grains sonores, frôlements, souffles, sons comme ceux du frottement du vent sur du sable, virevoltes de particules. La partition est jouée en live, les deux musiciens étant sur scène, sur un instrumentarium comprenant des percussions, bien qu’il n’y ait pour ainsi dire aucun son percussif tout du long des 70 minutes de la danse. On ne distingue que des sons tenus, tambours chamaniques frottés et parasités soit par des feuilles mortes, soit par des plumes d’oiseaux, gongs posés à plat et dont le frottement sur carton produit autant de souffles étranges, quand ce n’est pas le chant imperceptible du timbre seul de la caisse claire, tandis que parfois une lumière froide et instable est produite par des grelots emmitouflés. En face, l’autre instrument, la basse électrique, est traitée comme rarement, allant dans le cœur silencieux du son par des moyens tels que le jeu à l’archet immobile. Seules les variations de pressions sur les cordes sont responsables de cette évanescence sonore, encore amplifiée par la diffraction électronique du son. Ces diverses couleurs du silence en mouvements, souterrains constants, sont entrecoupées, à deux reprises, par une sorte d’à-plat électronique, deux nuages de structure auto-générative, deux respirations arrêtant le silence sonore des instruments. L’ensemble de cette partition peut être perçu comme « une musique pour après », pour après l’entrée en salle de spectacle. En effet, cette dernière a été précédée par une partition pour Gongs (instruments métalliques majestueux, comprenant un Fuen Long de 130 cm, un Sun Gong de 90, un gong balinais profond), longue de 27 minutes et jouée dans le hall d’entrée et dont la résonance suit les spectateurs lors de leur entrée dans la salle de spectacle.
Vidéo
La vidéo est conçue comme une autre voix musicale – cette fois-ci réellement muette – ou un autre instrument dont les interventions sont régies par la même partition que la musique et dont le jeu conserve un mélange identique de déterminisme et d’entropie qui anime tous les instruments de musique. Ici, la matière première visuelle est composée de très courts films dont les sujets – images d’eaux, de vagues, de végétaux – n’ont que très peu d’importance et peuvent sans doute ne jamais être identifiés. Ce qui prime ici est le jeu en temps réel – le temps de la musique, celui de la danse, celui du spectacle dans son intégralité – la manipulation de cette matière visuelle, les dégradés de blancs ou au contraire les jets de pigments, qui rendent ces « peintures vivantes », partie intégrante du spectacle en train de se jouer – pariant qu’une interaction avec le moment sera plus pertinente que la diffusion d’images pré-enregistrées et figées.
Lumière
Celle-ci reprend dans son tracé celui des lignes de force et de directions de la partition chorégraphique, rendant par-là ces parcours « visibles ». Le contrôle de la lumière par le même langage informatique que celui qui permet le jeu avec la vidéo et les manipulations électroniques sur le sonore (le langage MaxMSP), ainsi que le suivi d’un même décompte temporel permet aux trois éléments (musique, vidéo et lumière) de n’en faire qu’un. Il rend ainsi possible, dans le domaine de la lumière des variations minuscules, hésitations, comportements chaotiques des flux lumineux, toujours autres mais toujours en accord ou en réaction avec les autres éléments en jeu.
Kasper T. Toeplitz & Myriam Gourfink – mars 2018
EN
Preambule
Évaporé is about bringing together several forms of artistic expression, about multiplying media, about creating a multifaceted unit not confined to any discipline in particular, but rather an interaction between the manifold art forms shoulder-to-shoulder on stage.
Évaporé is not about setting the stage for a dance to be augmented by music and video images; rather, Évaporé will embrace and amalgate these two artistic categories, now the one(s) impacting the other(s), now the one(s) obeying their own inner logic and willingly blind to the doings and goings of the other(s), all sharing the same place and time but impelled by their own energy, before reverting (or not) to coalesce.
Presentation of the choreographic score
Based on breathing techniques derived from yoga, the score invites the five performers (Amandine Bajou, Carole Garriga, Deborah Lary, Azusa Takeuchi and Veronique Weil) to a transformation: by very internal agitation, by very soft tremors, by friction or heating, by tension and relaxation, by contractions and dilations. These different operations work inside the body, they act like the cooking modes of an alchemical recipe that transform emotions, enable their evaporation. Each operation gives the body a new consistency. The score alternates dilated and condensed states: the dancers cross in turn spaces with scores requiring them to be distant from each other, internally absorbed in their own paths; or, on the contrary, they go through spaces whose scores urge the dancers to come together, telling them to become one body, to interlock, and to open up on the inside so as to offer each other welcoming and ergonomic body spaces. The scores of the closing scenes lead them to be distant physically but close internally.
Reflections on music, the image and interactions
Music
The music of the show « Evaporé » is a weave, very soft but paradoxically made of an incessant and almost imperceptible rustling – agitations of sound buds, rubbing, breathes, wind on the sand, curling of particles. The score is played live with both musicians on stage, on an instrumentarium including percussion, even though there is practically no percussive sound during the 70 minutes of the performance. We perceive only taut sounds, shamanic drums caressed and animated either by dead leaves or bird feathers, gongs held down flat, rubbed on cardboard to produce strange sounds, or by times the imperceptible murmur of the snare alone, and sometimes the cold and unstable light is emitted by muffled bells. In the opposite corner, the electric bass undergoes handling rarely seen, going to the silent heart of sound by way of highly striking artistic choices such as the stationary bow play. Pressure variations on the chords are the sole – and almost imperceptible – force behind this evanescent sound, a feeling augmented by electronic audio diffraction. These various colours of silence in movement, constant underground arenas, are intersected, twice, by a type of electronic flat, two clouds of a self-generating structure, two breaths stopping the sound silence of the instruments. Taken as a whole, the score can be perceived as a “music for after », for after entering the theatre. And indeed, whilst waiting in the venue lobby for the performance to begin, the spectators will have heard a score for Gongs, these majestic metal instruments, including a Fuen Long (130 cm) and a Sun Gong (90 cm, a deep resonating Bali gong). Lasting in total 27 minutes, the resonance of the Gong score will stay with the people as they enter the theatre itself.
Video
The video of the piece is conceived as yet another musical voice – this time genuinely silent – as another instrument whose interventions are governed by the same score as for the music and whose rendering retains an identical mix of determinism and entropy that drives all the musical instruments. Here, the visual raw material is a number of very short films whose subjects (water, waves, plants) are of almost no importance and can probably never be identified. What is however important is the real-time play (the time of the music, of the dance and of the piece in its entirety), the handling of this visual materials, the shades of white or the pigment jets, which make these “living paintings” an integral part of the show being performed, and an expression of our conviction that an interaction with the moment, inside the moment, will be all the more relevant than simply showing frozen, prerecorded images.
Lights
The weave of the light echoes and supports the lines of force and directions of the choreographic score, so making these courses “visible”. By controlling the light using the same computer language as for the video and the electronic plays with the sound (MasMSP language), and by respecting the same timeframe, the three elements (music, video and light) coalesce to become a single one. And so is rendered possible minuscule light variations, hesitations, and flows of light, which, although chaotic, are always in harmony with, or a reaction to, the other elements at play.
Kasper T. Toeplitz & Myriam Gourfink – mars 2018
CHORÉGRAPHIE
Myriam Gourfink
DANSE
Amandine Bajou, Carole Garriga, Deborah Lary, Azusa Takeuchi, Véronique Weil
COMPOSITION, LIVE-ELECTRONICS ET BASSE ÉLECTRIQUE
Kasper T.Toeplitz
PERCUSSIONS
Didier Casamitjana
VIDÉO
Kasper T.Toeplitz
INTERPRÉTATION VIDÉO
Jeffrey Gerbé
RÉGIE ET MISE EN ESPACE SONORE
Zakariyya Cammoun
Loldanse en coproduction avec le Musée de la Danse / Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne dans le cadre de la mission Accueil-studio, L’Apostrophe / scène nationale de Cergy-Pontoise & Val d’Oise. Avec le soutien de La Ménagerie de Verre dans le cadre du Studiolab. Avec le soutien de King’s Fountain. Avec le soutien de la Spedidam. Avec la participation du DICRéAM. Accueil en résidence : Espace Pasolini, Valenciennes.
Avec l’aide de ART ZOYD STUDIO, Valenciennes – RAN Jeffrey Gerbé . Et du Grame, Lyon – RIM Max Bruckert
L’association LOLdanse est soutenue par le ministère de la Culture et de la Communication, Drac Île- de-France, au titre de l’aide aux compagnies conventionnées.