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Début de répétition de Bestiole, après une coupure de plusieurs semaines. Les artistes font cercle, chacune munie d’un épais classeur. A chaque page : une séquence partitionnelle de la pièce. En phase d’exécution, ces séquences apparaîtront sur les vingt-et-un écrans LCD suspendus au-dessus du plateau. Sur ceux-ci, au long de la performance, Myriam Gourfink apportera des modifications, au gré de ses « observations des états de corps, de l’évolution du groupe, ou par intuition », confie-t-elle. Il en découlera une arborescence d’options interprétatives. Le propre potentiel d’analyse et de traitement de variations combinatoires par le logiciel contribue à une vaste ouverture des possibles. Cela tandis que la chorégraphe ne cesse d’adapter son dispositif, d’après les remarques des danseuses, parfois inquiètes de ne pas tout saisir. Elle propose : « Une fois que vous avez établi votre cycle d’actions, allez piocher dans les partitions nouvelles, et choisissez d’autres actions, pour les loger à des moments divers, selon votre choix ». Il s’agit bien de « tendre à organiser ». Mais non de « se figer dans un carcan » Pour l’heure, on redonne sens aux flèches, cercles, cônes, bâtons, tirés, étoiles, en quoi prend forme le système de notation, dynamique, que la chorégraphe a élaboré. Le groupe sourit à propos de certains (dont de malicieuses figures dites « j’y fous tout »). L’observateur note que certaines évocations, incroyablement fouillées, touchent là où on n’attend pas, comme traitant d’un corps diffus, ramifié, non homogène et non massif, pour détailler des articulations d’orteils, ou un état des joues ; et encore suggérer une direction à visualiser depuis le sommet du crâne. L’essentiel : « retrouver les sensations à travers la lecture ». Comme une base à expansion : « Voyez, ici le mouvement de la main peut être très léger, mais avec la liberté de rechercher dans tout l’avant-bras, jusqu’au coude. » Fait exceptionnel en danse : toutes les interprètes maîtrisent un même système de partition, sophistiqué. Debout. Avant le filage, une mise en état rappelle les éléments longuement travaillés, trois heures durant le matin même, en séance de yoga. « La principale caractéristique de ce travail est d’exiger un corps extrêmement préparé. Un corps très construit », estiment les danseuses. L’une n’hésite pas à évoquer, « au bout du compte, un niveau d’exigence qui peut rappeler la danse classique ». Non sans sa part de sacrifice : « Au début, la sollicitation peut paraître violente. » Puis le corps trouve ses voies, constitutives d’un savoir. Rien n’a à « se faire en force », mais tout, en revanche, « avec puissance ». Ces deux notions ne sont pas synonymes. Pas plus que celles de « tension », à écarter, et de « concentration », qui est au contraire entretenue à l’extrême. Dans l’infinie lenteur du développement des mouvements, dans l’incroyable suspension défiant l’hypothèse de l’effondrement, chacune est en train « de rechercher les circulations et flux d’énergies les plus fins, à travers une conscience clarifiée, augmentée », de son propre corps. « Il vaudrait mieux parler d’une conscience déplacée, transportée. » C’est extrêmement délicat, complexe, voire difficile. L’engagement dans une organisation erronée peut tourner à l’impasse. « Il y a effectivement une épreuve à traverser. C’est une épreuve, au sens plein d’éprouver un dépassement dans la connaissance de soi ». Pareille exploration se nourrit « d’une infinité de goûts, qu’éveille la pratique du yoga, en investissant une respiration vaste et profonde. Elle puise directement dans les organes sexuels. Cela anime une cartographie inédite, toujours renouvelée, du corps. Le geste s’y conçoit à l’inverse de toute projection dans une exposition, dans une extériorité. C’est extrêmement riche. »
Un regard extérieur peut alors observer Bestiole comme la métaphore d’un grand corps collectif éclaté et flottant, finement connecté à des intentions jamais formatées, toujours fluctuantes, dans une combinatoire d’ouvertures de possibles, non manifeste et sans tapage, configurant un paysage humain tout en niveaux, explorations et nuances.
Gérard Mayen – Bestiole au travail / Mouvement N°62 Janvier-Mars 2012.
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It’s the start of rehearsals for Bestiole, after a break of several weeks. The artists sit in a circle, each holding a thick folder. On each page, a written sequence from the performance. At execution phase, these sequences will appear on the twenty-one LCD screens suspended above the dance floor. On these, throughout the performance, Myriam Gourfink will make modifications, according to her “obser- vations of body postures, group progress, or by intuition”, she tells us. The result will be an arborescen- ce of interpretive options. The potential for analysis and application of a wide variety of combinations by the software itself helps to open up a huge range of possibilities. Whilst at the same time the cho- reographer continually adapts her production based on remarks by the dancers, sometimes concerned that they haven’t grasped the full picture. To give renewed meaning to the arrows, circles, cones, sticks and stars, it is essential to rediscover sensations through interpretation. In the infinitely slow develop- ment of the movements, in the incredible suspension that defies the threat of collapse, each one is actively “seeking the flux and flow of the most delicate energies”. An independent observer can there- by see Bestiole as the metaphor for a large, assembled body, fragmented and floating, loosely connec- ted to intentions that are never structured, always fluctuating, in a combination of endless possibilities, undisclosed and discrete, forming a human landscape composed of levels, explorations and nuances.
Gérard Mayen – Bestiole at work / Mouvement N°62 January-March 2012.
CHORÉGRAPHIE
Myriam Gourfink
MUSIQUE
Kasper T.Toeplitz
DANSEUSES
Clémence Coconnier, Céline Debyser, Carole Garriga, Déborah Lary, Françoise Rognerud, Julie Salgues, Véronique Weil
DÉVELOPPEMENT d’une interface pour écrire le score chorégraphique en temps réel
Olivier Guillerminet (REMU)
TECHNIQUE
Zakaryya Cammoun
LUMIÈRES
Séverine Rième
DURÉE
45 min
Created at Centre Georges Pompidou the 18, 19 & 20th of january 2012
Replay : Festival Hors saison – Arcadi, Theâtre de la cité Internationale the 28th of february 2013
Co-production : Loldanse, Ircam & Les spectacles vivants-Centre Pompidou, with the support of CECN (residency in Mons-Belgium), CND (studios), and ARCADI.
Loldanse is supported by Ministère de la culture et de la communication, DRAC IDF, au titre de l’aide à la compagnie.